LATITUDES

Science Slam, le savoir en dix minutes

La formule rencontre un grand succès en Allemagne: à base de performances scéniques créatives, des chercheurs expliquent leur travaux au plus grand nombre. Une idée à exporter? Reportage.

Il n’y avait pas assez de place, le premier mars dernier à l’Edelweiss. Dans cette boîte berlinoise du quartier de Kreuzberg, qui propose habituellement des soirées jazz ou techno, le premier Science Slam a attiré un public nombreux.

Le Science Slam? Une confrontation de chercheurs qui disposent de dix minutes pour exposer à un public non initié le contenu de leur travail. Des performances de vulgarisation sanctionnées par une salle transformée en jury. Seule condition posée, éviter que les propos soient ennuyeux et abstraits.

L’attractivité de ce genre d’exercice a déjà fait ses preuves en Allemagne. La ville de Darmstadt en revendique la paternité. En 2006, Frankfurt et Bayreuth ont suivi. L’idée a germé en observant l’intérêt pour le slam poétique. Dès lors, pourquoi ne pas faire sortir de leur labo et inviter sur scène des scientifiques?

Carla Cederbaum a ouvert les feux de ce premier rendez-vous à Berlin. La jeune femme, en mini jupe, se veut ambassadrice de charme des mathématiques. En dix minutes chrono, elle parvient à expliquer la parenté entre les théories de la gravitation de Newton et celle de la relativité d’Einstein, grâce à l’apport de Carl Friedrich Gauss. La barre haut perchée est franchie allégrement devant un public séduit par une approche très imagée des maths.

Le concurrent suivant tente de distancer ses rivaux avec l’originalité du titre de sa présentation: «Pourquoi les haricots sont bons pour toi et pourquoi je dois toujours péter lorsque j’en mange?». Thilo Berg mène des recherches dans un institut de physiologie de l’alimentation sur le potentiel des haricots à nourrir les pays en voie de développement. Mais s’il convainc ses collègues présents dans la salle, les béotiens bâillent. Les allusions aux notions abstraites d’index glycémique ou de glycémie n’ont pas fait mouche. Il n’a aucun talent de slameur.

En revanche, une lecture originale de la bible par une vieille dame, Uri Hart, a remporté la palme. Quelques jours avant de monter sur scène, cette professeur au look vieux jeu n’avait jamais entendu parler de slam mais n’en est pas moins parvenue à transformer l’herméneutique en un jeu scénique passionnant . «Le show rend malin» (Show macht schlau»), titrait l’hebdomadaire Die Zeit au lendemain de l’événement.

Après l’Encyclopédie des Lumières, les expositions, conférences, revues, articles de presse, émissions de radio ou de TV, la vulgarisation des savoirs se saisit donc d’un créneau dans l’air du temps: les soirées décontractées entre amis dans des lieux de divertissement.

Présentés chrono en mains pendant dix minutes par des «chercheurs-acteurs», le réchauffement climatique, les avancées de la recherche en génétique ou les conséquences du vieillissement de la population se transformeront-ils en sujets plus familiers?

Il ne saurait en tout cas y avoir de véritable démocratie sans des citoyens avertis des enjeux qui les concernent, et qui décident et votent en connaissance de cause. A l’heure où les sciences paraissent de plus en plus impénétrables pour le simple quidam, il est donc bienvenu de renouveler les formes de diffusion des sciences. Le Science Slam en est une.

On trouve sur Facebook des informations utiles sur les prochains rendez-vous, pour le moment exclusivement allemands. Le concept devrait débarquer prochainement à Boston. Avec son décor de rêve, le Learning Center de l’EPFL se lancera-t-il dans l’organisation de Science Slam?