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Un an après Xynthia, que faire des terrains à bâtir ?

Les propriétaires de terrains à bâtir se trouvant sur des "zones de solidarité" ne sont pas indemnisés par l'Etat. Ils tentent d'obtenir réparation.

Par Hélène Bekmezian

Publié le 23 février 2011 à 20h12, modifié le 26 février 2011 à 11h26

Temps de Lecture 3 min.

Moins célèbre que La Faute-sur-Mer ou L'Aiguillon-sur-Mer, le village de Charron (2 000 habitants), en Charente-Maritime, a lui aussi souffert de la tempête Xynthia dans la nuit du 27 février 2010. Trois personnes y sont mortes et près de 200 maisons ont été emportées.

Depuis, le silence règne à Charron, les rues sont vides et les volets, pour la plupart, fermés. Ce 21 février au soir, presque un an après le drame, douze habitants se sont réunis dans une petite salle communale, inquiets et en colère : "On va se battre et on va faire plier l'Etat !" Thierry Demaegdt les rassure ; il est le président de l'association Reconstruire Charron et il compte bien régler le cas de ces 17 terrains à bâtir et de leur propriétaires ici présents.

Ici, comme dans toutes les communes sinistrées, des zones de solidarité ont été dessinées (ex-"zones noires") et l'Etat propose de racheter les maisons qui s'y trouvent, désormais inhabitables. Mais aux propriétaires de terrains à bâtir se trouvant dans ces zones – devenus inconstructibles – aucun dédommagement n'a été proposé. Achetés autour de 100 000 euros, les parcelles ne sont plus bonnes qu'à y planter des patates ou à y élever des vaches.

Le Crédit agricole de Charron : photos prises début mars 2010 (en haut) et le 21 février 2011 (en bas).

"VOUS ÊTES EN ZONE DE SOLIDARITÉ, C'EST DÉJÀ UNE BONNE NOUVELLE !"

Ce soir, les propriétaires sont là et ils réclament qu'on leur rende l'argent qu'ils ont versé. A la suite d'une réponse négative du préfet, M. Demaegdt a décidé de lancer la procédure : un avocat est sur le dossier, l'affaire est lancée. Et elle est compliquée.

Magalie explique son cas : elle a acheté son terrain fin janvier 2010, à 90 000 euros, trois semaines avant que Xynthia ne lui fasse perdre toute valeur. Elle n'a appris qu'en décembre, "et par hasard", qu'il se trouve aujourd'hui en zone de solidarité. Si elle l'avait su plus tôt, elle aurait pu contester le zonage et obtenir gain de cause au tribunal administratif, comme les propriétaires de huit maisons à Charron qui ont réussi à sortir des zones de solidarité.

"Mais vous êtes en zone de solidarité, c'est déjà une bonne nouvelle ! coupe Thierry Demaegdt, regardez les Sarazin…" Les Sarazin, Laurent et Laurence, possèdent un terrain constructible qui n'a pas été placé en zone noire après la tempête, bien qu'il se trouve au milieu d'autres terrains qui l'ont été. Impossible d'obtenir un permis de construire et, même s'ils l'obtenaient, leurs 4 000 m2 constructibles achetés 120 000 euros il y a quatre ans ne répondent pas aux normes mises en place après la tempête : désormais, les terrains doivent être à au moins 4,50 mètres au-dessus de la mer pour être constructibles.

Sortie du village de Charron : photos prises début mars 2010 (en haut) et le 21 février 2011 (en bas).

"LES ANCIENS AVAIENT RAISON : ON N'AURAIT JAMAIS DÛ CONSTRUIRE ICI"

En attendant, ils se retrouvent coincés, comme les autres gens réunis ce soir, entre un titre de propriété qui ne vaut plus rien et un crédit qu'ils doivent pourtant rembourser chaque mois. Aujourd'hui, ils sont perdus : "A qui écrire ?" demande Mme Mandin, propriétaire d'un terrain famillial ; "Au ministre ?", tente M. Bouteiller, qui a dû déménager de Charron ; "En recommandé ?", s'inquiète Mme Sarazin, qui a écrit directement au président de la République, alors que Mme Mandin s'est adressée "à la dame de France Domaine", l'organisme public chargé d'évaluer la valeur des maisons sinistrées au prix d'avant la tempête.

Et le temps presse :la date butoir pour obtenir des indemnités est fixée au 15 mars. "Mais on nous a baladés pendant des mois !", proteste Laurence Sarazin. Forcément, leurs cas sont passés après les situations les plus urgentes et ce n'est qu'en novembre que M. Demaegdt a pu faire venir les "vrais experts", neufs mois après l'"experte parisienne qui était venue en souliers vernis". M. Bouteiller relance : "Quand ils ont fait les zones, ils ont pris une carte aérienne de Charron et ils ont tracé comme ça, selon le contour de l'eau. Mais d'en haut, on ne peut pas voir s'il y a 50 cm ou 1 m 50…"

La réunion se termine et Thierry Demaegdt a redonné un peu d'espoir à ses douze camarades de combat. Il a confiance : son dossier tient la route, son avocat est optimiste. "En fait, on n'aurait jamais dû construire sur ces zones, conclut-il en éteignant la lumière. Il n'y avait pas de mauvaises intentions, c'était de l'inconscience, de l'oubli." Le raz-de-marée du 27 février 2010 a recouvert exactement les zones conquises par l'homme depuis l'époque gallo-romaine. "Les anciens avaient raison : il ne fallait pas construire sur une rue qui s'appelle 'rue de laisse', par exemple. Une laisse, c'est ce que laisse la mer quand elle se retire. Ça voulait bien dire qu'elle venait jusque-là."

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