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La mélodie française, injustement jugée désuète, obtient les faveurs du disque

Avec des bonheurs différents, quatre jeunes artistes français explorent ce répertoire.

Par Renaud Machart

Publié le 14 avril 2011 à 16h23, modifié le 14 avril 2011 à 16h23

Temps de Lecture 3 min.

Volontiers, et injustement, considéré comme désuet, le genre de la mélodie française regorge pourtant de chefs-d'oeuvre comparables à ceux du Lied allemand.

Longtemps apanage des chanteurs sans voix, il ne peut se suffire de ces "diseurs" comme les a caricaturés la fantaisiste Anna Russell ; mais trop souvent, il est vrai, les chanteurs "à voix" l'ont maltraité en ne respectant pas son intimité et son raffinement. Aussi peut-on se réjouir que de jeunes artistes abordent de plus en plus la mélodie en n'en faisant ni des musiques en abat-jour ni des scènes lyriques détournées.

Quatre récentes parutions discographiques illustrent ce regain : deux constituent des premiers pas au disque dans ce répertoire : le baryton Stéphane Degout, 35 ans, chez Naïve, ainsi que la mezzo-soprano Isabelle Druet, 32 ans, chez Aparté. La soprano Sandrine Piau, 46 ans, publie son deuxième album de mélodies pour Naïve, tandis que la mezzo-soprano Karine Deshayes, 39 ans, enfin, revient pour la deuxième fois à la musique de Gabriel Fauré en gravant La Bonne Chanson chez Zig-Zag Territoires.

Le plus attendu était probablement Stéphane Degout. De plus en plus présent sur les grandes scènes internationales où sa carrière se développe notablement, le jeune baryton chante aussi la mélodie française et le Lied allemand depuis de nombreuses années. Mais il n'avait pas eu l'heur, ou le vouloir, d'en laisser jusqu'à maintenant une trace au disque.

Le résultat déçoit. La voix semble s'être quelque peu alourdie, matifiée, et semble gagnée par un vibrato un peu trop présent sur les notes tenues et aiguës. La diction est parfaite mais le paysage sonore de ces mélodies très connues de Chabrier, Debussy, Duparc, Hahn et Ravel manque de variété, de couleurs, d'arrière-plans. La placidité monochrome du baryton est aggravée par un accompagnement en semelles de plomb d'Hélène Lucas.

Isabelle Druet, dans Jardin nocturne, manque, elle aussi, d'un partenaire digne de ce nom. Son programme, articulé autour du cycle Les Nuits d'été, de Berlioz, pêche à droite et à gauche (et s'intéresse à quelques pages rares ou méconnues), isole des mélodies des cycles auxquels elles appartiennent, sans autre véritable logique que l'esprit nocturne (quel accordement musical entre le Clair de lune de Fauré et Lune d'avril de Poulenc sinon l'évocation astrale ?). Le timbre est beau mais l'émission et la ligne de chant semblent contraintes et raides.

Dans son programme Après un rêve, du nom d'une des mélodies de Fauré les plus connues, Sandrine Piau fait alterner la musique de ce dernier et celles de Richard Strauss, Mendelssohn, Poulenc et Britten. Elle a même eu l'excellente idée d'inclure les Galgenlieder, un court cycle en allemand du compositeur français Vincent Bouchot (né en 1966), petit bijou dont il dit lui-même, avec modestie, humour et lucidité, qu'il est d'un "style tout à fait désuet, quelque part entreWolf et Poulenc".

En dépit d'une diction parfois un peu molle, Sandrine Piau, qui possède l'un des plus jolis timbres qui soient, est une fine musicienne et elle a eu le bon goût de s'associer à une vraie pianiste, Susan Manoff, qui est à la fois un soutien et un relais. Il suffit par exemple d'écouter cette dernière dans la stupéfiante et rare Dans la forêt du charme et de l'enchantement, d'Ernest Chausson, pour se convaincre qu'elle est une partenaire à part entière.

Karine Deshayes emporte l'enthousiasme dans La BonneChanson, de Fauré, qu'elle a enregistrée dans sa version avec piano et quintette à cordes avec l'excellent ensemble Contraste qui signe, en complément, une belle version du Premier Quatuor avec piano op. 15 de Fauré. La diction, la fraîcheur du timbre, l'assurance musicale sont merveilleuses.

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Autant chanteuse que diseuse (elle excelle à l'opéra, dont la pratique n'a pas alourdi sa voix), la mezzo Karine Deshayes déploie un large paysage qui n'empêche pourtant pas un sentiment d'intimité. Une manière d'idéal.

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Mélodies, par Stéphane Degout (baryton) et Hélène Lucas (piano) : 1 CD -Naïve.

Jardin nocturne, par Isabelle Druet (mezzo-soprano), Johanne Ralambondrainy (piano) : 1 CD Aparté/Harmonia Mundi.

Après un rêve, par Sandrine Piau (soprano), Susan Manoff (piano) : 1 CD Naïve

La Bonne Chanson, de Gabriel Fauré, par Karine Deshayes (mezzo-soprano), Ensemble Contraste : 1 CD Zig Zag Territoires/Harmonia Mundi.

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