La ville réinventée
Vision. Comment l'édile a transformé l'image de Marseille.
Pauline de Saint RemyTemps de lecture : 5 min
"Il a rendu leur fierté aux Marseillais. " Le vice-président de la communauté urbaine, Gérard Chenoz, y va peut-être un peu fort lorsqu'il évoque le bilan (provisoire) de Jean-Claude Gaudin, mais il n'est pas le seul à le penser : c'est avant tout l'image de la cité phocéenne qui a évolué depuis l'arrivée de son maire, il y a plus de quinze ans.
L'image d'une ville en déshérence, dont le taux de demandeurs d'emploi est tombé de 20,6 % en 1995 à 13,2 % aujourd'hui. L'image d'une ville sale, dont la rénovation est en cours. L'image d'une ville isolée, qui compte, selon la mairie, 100 000nouveaux habitants et accueillera dans les années qui viennent plusieurs rendez-vous internationaux tels que Marseille-Provence, capitale de la culture européenne, en 2013, et dès 2012 le Forum mondial de l'eau (il se murmure dans les couloirs de la mairie que Barack Obama serait de la partie). La ville pourrait aussi accueillir des matchs de l'Euro 2016 dans un Vélodrome flambant neuf, dont les travaux commenceront en 2011. L'image d'une ville fermée, enfin, qui depuis 2001 se trouve à trois heures de Paris grâce au TGV Méditerranée et qui ambitionne de s'inscrire parmi les plus grandes métropoles européennes et méditerranéennes. La liste est longue des projets qui ont fait parler de Marseille. Mais, si les coups de projecteur se multiplient sur la ville, certains y voient précisément une " politique de coups ", faite parfois au détriment du développement de quartiers isolés. Voire du bon sens.
Euroméditerranée
Si le terme Euroméditerranée est un peu surfait, c'est qu'il ne désigne pas seulement un quartier d'affaires en pleine expansion, mais aussi l'établissement public d'aménagement chargé d'un ensemble de projets de réhabilitation urbaine à Marseille, qui vont de la rénovation de la rue de la République, près du Vieux-Port, à celle des friches industrielles de la Belle-de-Mai, plus à l'est. Pilotée par le conseiller municipal Guy Teissier, la structure est financée à la fois par des investisseurs privés, comme Axa Real Estate ou BNP Paribas Immobilier, et par les Caisses d'épargne, la ville, les collectivités, l'Etat et l'Union européenne.
Au total, d'ici à 2012, Euroméditerranée prévoit 3,5milliards d'euros d'investissements, dont 531millions de fonds publics. Un montant équivalent devrait être investi dans un projet d'extension au nord du périmètre d'Euroméditerranée, entre 2012et 2020, portant donc à plus de 7milliards d'euros les investissements.
Des docks à la tour CMA-CGM
Symbole du projet Euroméditerranée lancé en 1989 par Robert Vigouroux, le prédécesseur de Gaudin, avec l'appui de l'Etat, la transformation de l'immeuble des docks, qui n'étaient plus en activité depuis 1988, s'est achevée en 2002. Datant du XIXesiècle, ces anciens entrepôts situés au coeur du quartier des affaires ont été entièrement rénovés. Ils accueillent plus de 200entreprises.
Plus récemment, la tour CMA-CGM, d'une hauteur de 147mètres, est devenue emblématique du renouveau économique et architectural marseillais, avec ses 33étages et plus de 5 000mètres carrés de bureaux, dans lesquels quelque 2 500salariés de l'armateur sont installés. Si elle est encore seule, au moins trois petites soeurs, signées Jean Nouvel, Yves Lion et Jean-Baptiste Pietri, devraient sortir de terre dans les années à venir. Hauteur respective des édifices futurs : 135, 117 et 99mètres.
La porte d'Aix et l'autoroute A7
Autre aspect essentiel du projet Euroméditerranée : l'entrée dans la ville. Dans le but de rénover totalement le quartier de la porte d'Aix et de la gare Saint-Charles en le libérant de la circulation routière, le pont qui permettait à l'autoroute de pénétrer dans la ville et la passerelle Saint-Lazare ont été dynamités le 7août 2010. Cet événement a, selon Gérard Chenoz, marqué de façon spectaculaire un profond changement des mentalités sur les modes de transport. " Les Marseillais, ils iraient en voiture jusque dans leur cuisine s'ils le pouvaient ! " s'amuse ce proche de Jean-Claude Gaudin, qui défend un projet controversé de piétonnisation partielle du Vieux-Port.
Le tramway
Inaugurées en grande pompe en 2007, les deux lignes de tramway de Marseille se veulent à l'image d'une ville moderne et écologique. Elles sont pourtant loin de faire l'unanimité. Si elles ont été très critiquées pendant les deux années de travaux, à cause des nuisances occasionnées pour les commerces des artères concernées - certains ont dû fermer -, la mairie rétorque que le retour sur investissement est infiniment plus important, et ce " à vie ". Des critiques persistent en revanche sur le tracé des lignes, jugé superflu par certains, car trop proche de celui des lignes de métro, et mal dessiné.
Depuis que la présidence de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) lui a échappé, en avril 2008, la majorité municipale a perdu ses compétences sur les transports, ce qui augure de négociations très compliquées pour le projet de prolongement de ces lignes. D'autant que MPM, présidée par Eugène Caselli, est plutôt favorable au développement du réseau marseillais par de nouvelles lignes de bus, plus rapides à mettre en place et moins coûteuses. Le montant global du tramway se situe aux alentours de 800millions d'euros, financés à 88 % par la communauté urbaine, le reste étant réparti entre les collectivités et l'Etat.
Les zones franches
Il aurait été étonnant que Marseille ne bénéficie pas de ce dispositif d'exonération fiscale et de réduction des charges sociales mis en place par Jean-Claude Gaudin lui-même lorsqu'il était ministre de la Ville, en 1997. Les deux zones franches urbaines (ZFU) de Nord Littoral et des 14e et 15e sud, créées respectivement en 1997 et 2004 sur 643hectares, ont sans aucun doute permis de dynamiser l'économie des quartiers Nord. Selon la mairie, 3 000nouvelles entreprises s'y sont implantées et 12 000emplois y ont été créés, permettant de diminuer sensiblement les taux de chômage des zones concernées. Le nombre de demandeurs d'emploi avait baissé de 45 % entre 1996 et 2007, avant le début de la crise, indique la mairie.
Reste que, malgré ce bilan fièrement revendiqué, les critiques affirment que ces zones ne créent que " des emplois peu qualifiés " et qui " coûtent cher ", alors que Marseille devrait créer des emplois " à forte valeur ajoutée ". Ceux qui y voient une politique d'assistanat rappellent que le statut des zones franches n'est pas éternel. Fin décembre, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles estimait que les zones franches les plus anciennes (1997), moins attractives, étaient en perte de vitesse.