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Multiplex foot : les voix du direct

Inventé dans les années 1950, adopté en France en 1972, le multiplex s’est depuis répandu, avec succès, sur toutes les ondes. Mais à l'heure du foot business, son avenir est pourtant incertain.

Par  et Alain Constant

Publié le 28 octobre 2011 à 12h30, modifié le 03 novembre 2011 à 14h47

Temps de Lecture 4 min.

Inventé dans les années 1950, adopté en France en 1972, le multiplex s’est depuis répandu, avec succès, sur toutes les ondes. Son avenir est pourtant incertain.

C’est un monument qui fêtera bientôt ses quarante ans de présence sur les ondes françaises. Mais c’est aussi une madeleine de Proust version sonore pour des centaines de milliers d’auditeurs, dont certains ont commencé très jeunes, l’oreille collée au transistor, à vibrer aux commentaires des envoyés spéciaux, aux commentaires qui se chevauchent à l’antenne, provoquant un embouteillage sonore plus amusant que gênant: "But à Sochaux !", "Penalty à Marseille !", "Expulsion à Bordeaux !" Avec, en studio, un Monsieur Loyal, à la fois animateur, présentateur et rédacteur en chef, censé faire le tri et surtout flairer le bon moment pour appeler tel endroit plutôt qu’un autre. Autrement dit, donner du rythme et construire une véritable dramaturgie radiophonique.

De quoi s’agit-il ? Du multiplex de football. Une idée toute simple qui consiste à suivre une journée de championnat en envoyant, sur chaque stade, un reporter chargé d’intervenir à l’antenne dès que survient une action décisive, dangereuse ou litigieuse. Si des pays plus toqués de foot que la France ont adopté ce format dès les années 1950, le premier multiplex français digne de ce nom, baptisé à l’époque Interfootball, date du mois d’août 1972.

Doyen des journalistes de Radio France en activité, Jacques Vendroux, toujours fidèle au poste et au multiplex (sur France Info depuis août 2009), est à l’origine de l’aventure. "En avril 1972, jeune journaliste, je vais à Saint-Etienne commenter un match. Sur France Inter, je ne faisais que des flashes de trente secondes à 20 heures, à 21 heures et à 22 heures, et je rapportais deux sons pour les journaux du lendemain. En fait, je m’ennuyais. Le lendemain, je vais voir Roger Rocher, président du club stéphanois, et lui soumets l’idée d’un multiplex. Il est partant, et quelques heures plus tard nous avons rendez-vous, à la Ligue, avec Jean Sadoul, véritable parrain du football français à l’époque, qui donne son accord."

Pour Jacques Vendroux, reste le plus difficile, à savoir convaincre sa hiérarchie. On le prend d’abord pour un jeune fou qui veut dilapider l’argent du service public en envoyant, sur chaque match de première division, un journaliste et un technicien. Mais il défend bien son dossier, et l’honorable maison donne son feu vert, lançant même une campagne de publicité très offensive pour l’époque, avec comme slogan : "Le foot, c’est sur France Inter !"

L’aventure du multiplex est née, adoptée au fil du temps par d’autres stations. Presque quarante ans plus tard, alors que le paysage audiovisuel s’est totalement transformé et que les chaînes de télévision diffusent un nombre considérable de rencontres sportives, le succès du multiplex, qu’il soit diffusé sur France Info, Europe 1, RTL ou RMC, ne se dément pas : "Le concept du multiplex est tellement efficace que même Canal+ en propose. Mais, à la télévision, pour un tel programme, il existe toujours un petit décalage, et on n’est jamais dans l’émotion du direct. Pour le multiplex, le média radio possède une intensité que n’aura jamais la télé", estime François Pesanti, patron des sports de RMC, avant d’ajouter : "En télé, l’offre foot est souvent payante, alors que la radio est gratuite !"

Complémentaire de l’offre télévisuelle, le multiplex radio continue de séduire les auditeurs fans de foot coincés dans leurs véhicules, mais pas seulement. «Dans les prisons, les hôpitaux, chez les aveugles, le multiplex, c’est du lien social!», clame Jacques Vendroux, adepte d’un multiplex sobre dans sa forme. "L’utilisation massive d’Internet n’a fait que renforcer l’impact du multiplex, estime Jean-Charles Banoun, responsable des sports d’Europe 1. Les auditeurs peuvent écouter le match de leur club favori même en étant à l’autre bout du monde."

Sur les antennes privées, le multiplex a dépassé le simple rendez-vous informatif pour devenir une émission interactive durant laquelle les auditeurs peuvent intervenir. "De simple robinet à commentaires, le multiplex s’est naturellement développé. On ne peut plus se contenter de commenter les matchs. Mais faire intervenir des auditeurs à l’antenne ne nous empêche pas de garder la main sur le plan éditorial", souligne Christian Ollivier, entré en 1980 à RTL, aujourd’hui chef du service des sports.

Le multiplex est-il donc éternel? "Il est à la croisée des chemins, estime Jean-Charles Banoun. Jusqu’à présent, les radios ont pu couvrir toutes les rencontres de Ligue 1 gratuitement, et le calendrier est resté relativement cohérent. Mais les nouveaux horaires imposés par les télévisions détentrices des droits de diffusion vont faire voler en éclats ce système, avec des affiches de plus en plus morcelées, du vendredi au dimanche. Autre danger: la volonté d’imposer des horaires difficiles comme le samedi en début d’après-midi, pour vendre le produit en Asie. Quoi qu’il arrive, nous garderons le multiplex du vendredi soir avec la Ligue2, une compétition très suivie qui fidélise un grand nombre d’auditeurs." A l’heure du foot business, le bon vieux multiplex risque gros. Mais, comme le résume Jacques Vendroux, "la magie du foot à la radio, c’est la force de l’imaginaire." Imbattable.

Enquête publiée dans le supplément   ,
vendu avec
Le Monde daté du dimanche 30 - lundi 31 octobre.

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