Des femmes contre un dictateur

Le 20 février, Robert Mugabe, a fêté son anniversaire en grande pompe. Des festivités qui ont coûté quelque 750 000 euros, alors que son pays manque de tout.

Patricia Huon
Des femmes contre un dictateur
©AFP internet

Portrait Correspondante en Afrique du Sud Silhouette robuste, front large et regard déterminé, Jenni Williams est une femme imposante, tant par son physique que par ses actes. Elle est la fondatrice de "Women of Zimbabwe Arise" (Woza), les Femmes du Zimbabwe se lèvent, une organisation qui appelle les Zimbabwéennes à se mobiliser pour la défense de leurs droits. A 50 ans, cette métisse est devenue l’une des bêtes noires du président Robert Mugabe.

Le 20 février, le "vieux Bob", ancien héros de l’Indépendance devenu dictateur, a fêté son anniversaire en grande pompe. Des festivités qui ont coûté quelque 750 000 euros, alors que son pays manque de tout. Agé de 88 ans, il n’a aucune intention de quitter le poste qu’il occupe depuis plus de trente ans. Face à la répression, Jenni Williams fait partie des rares opposants qui osent encore faire entendre leur voix.

Lorsque le pays accède à l’Indépendance, en 1980, la jeune femme espère que les conditions de vie vont enfin s’améliorer pour la population. Au fil des années, ses espoirs s’écroulent. "Je me suis dit que nous ne pouvions pas rester les bras croisés" , explique-t-elle. La première marche pacifique de Woza a lieu en 2003, le jour de la Saint-Valentin. A cette occasion, des paysannes, femmes de ménage, couturières et maraîchères descendent dans la rue, chantant et dansant, pour distribuer des roses, symbole de l’amour.

Des centaines d’autres manifestations se succéderont pour dénoncer la faim, l’effondrement des systèmes de santé et d’éducation, la corruption, la violence familiale et la répression orchestrée par le gouvernement. Inspirée par Rosa Parks, Martin Luther King ou Gandhi, la militante suit les principes de la non-violence. "Nous nous asseyons par terre et encaissons les coups des policiers."

Comme tout dictateur, le président Robert Mugabe ne tolère pas la contestation. Bien que la Constitution zimbabwéenne donne le droit aux citoyens de participer à des rassemblements pacifiques, les autorités font valoir qu’il ne peut être exercé sur la voie publique sans autorisation préalable. Pour les femmes de Woza, les arrestations, les actes d’intimidation et les mauvais traitements infligés par la police sont monnaie courante.

Jenni Williams a été arrêtée à plus de trente occasions, la dernière fois le 7 février. "Un jour, j’ai été embarquée dans un fourgon par des policiers. Ils m’ont dit que j’allais mourir. Tout au long de la route, pendant quarante-cinq kilomètres, ils me détaillaient la manière dont ils allaient me tuer. Heureusement, ils m’ont finalement déposée dans un commissariat. Et, je ne suis pas morte ce jour-là "

Chaque fois qu’elle est sortie de prison, malgré les mauvais traitements et les humiliations, Jenni Williams a repris son combat. Son mari et ses trois enfants adultes ont fui le Zimbabwe et vivent tous au Royaume-Uni. Mais elle refuse d’abandonner. "Je souffre beaucoup d’être éloignée d’eux. Mais ils comprennent pourquoi je reste ici."

Le courage de Jenni Williams est contagieux. Formée par quelques militantes, Woza en regroupe aujourd’hui près de 70 000. "Ce sont les femmes qui doivent faire face aux problèmes quotidiens. S’il n’y a pas d’argent pour acheter à manger, pour envoyer les enfants à l’école, ce sont elles qui doivent trouver des solutions. Je pense que c’est pour ça que les femmes mènent le combat pour faire changer les choses au Zimbabwe , affirme Clarah Manjengwa, une mère de trois enfants qui a rejoint le mouvement en 2004. Ce qui nous donne la volonté de continuer, c’est le rêve d’un meilleur avenir pour les générations futures."

En attendant, les élections "libres et sans violence" , promises par le gouvernement d’union mis en place en 2009, ne semblent toujours pas d’actualité.

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